Quand la nuit devient jour de Sophie Jomain


Auteur: Sophie Jomain
Édition: Pygmalion
L'histoire: "On m’a demandé un jour de définir ma douleur. Je sais dire ce que je ressens lorsque je m’enfonce une épine dans le pied, décrire l’échauffement d’une brûlure, parler des nœuds dans mon estomac quand j’ai trop mangé, de l’élancement lancinant d’une carie, mais je suis incapable d’expliquer ce qui me ronge de l’intérieur et qui me fait mal au-delà de toute souffrance que je connais déjà.
La dépression.
Ma faiblesse.
Le combat que je mène contre moi-même est sans fin, et personne n’est en mesure de m’aider. Dieu, la science, la médecine, même l’amour des miens a échoué. Ils m’ont perdue. Sans doute depuis le début.
J’ai vingt-neuf ans, je m’appelle Camille, je suis franco-belge, et je vais mourir dans trois mois.
Le 6 avril 2016.
Par euthanasie volontaire assistée."





Il y a des livres qui vous mettent en pièces. Littéralement. Vous le sentez dans vos tripes froissées, votre gorge nouée par les larmes, vos yeux embués.

C'est la première fois que je fais la chronique d'un livre de Sophie Jomain, pourtant j'ai lu toutes ses œuvres... ou presque (je n'ai pas encore lu les deux derniers tomes des étoiles de Noss head, par simple volonté de ne pas en voir la fin). C'est un exercice délicat selon moi car, j'ai chaque fois sa plume en adoration et elle est la première auteure française à avoir su m'affliger et me faire rêver autant de fois par l'émotion qu'elle sait communiquer. 
J’éprouve tellement d'adoration et de respect pour ce qu'elle est capable d'écrire que je m'en voudrais de faire le moindre faux pas dans ma critique.

Je n'aurais jamais imaginé commencer par un sujet aussi sérieux. L'euthanasie volontaire assistée. On en vient à s'interroger sur notre propre rapport à la mort si on ne l'avait déjà fait. Et à notre propre ressenti sur la question de la dépression qu'on l'ait connue ou non. Chacun-e est différent-e, chacun ressent différemment et est plus ou moins conscient de ce qui est bien ou non pour lui-elle.

Ici nous rencontrons Camille, elle vit avec la dépression depuis qu'elle est toute jeune et la douleur et les maux qui l'accompagnent sont devenus insoutenables, au point qu'elle a décidé de mourir, par euthanasie volontaire assistée.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, au fur et à mesure des mots, des lignes, des paragraphes, je saisis que tout ce que décrit Camille est plus que réel, plus que palpable, comme une noyade sans fin qui refuse de vous achever. La dépression, ce mal invisible qui grignote chaque jour le peu d'énergie et d'espoir glané ça et là.
Souhaiter mourir pour ne plus avoir mal. C'est d'une logique implacable. Quand on le vit. Mais pour les proches et l'entourage c'est une tout autre paire de manches. qui sommes-nous pour juger pourtant. Peut-on se targuer d'être à la place de l'autre? D'avoir mal à sa place? Qu'il est seulement question de volonté pour aller Mieux?

La volonté. C'est un argument culpabilisant ressorti à toutes les sauces que le dépressif est sur d'entendre au moins plusieurs fois dans sa vie. Comme si la volonté était vendue par paquet de dix dans les supermarchés. Ce livre ne juge pas, il n'a pas de volonté moralisatrice. Il est comme un message de paix et d'amour sur ce qu'il est possible de faire et d'accepter pour que la douleur s'apaise enfin. La volonté peut prendre plus de formes qu'on ne le croit.

En lisant ce roman, j'ai du m’arrêter à de nombreuses reprises. Pour respirer. Plus les pages tournent plus on s'attache à Camille, même si on a envie de la secouer à certains moments, sa lucidité nous désarme, et même lorsqu'on connait le mal qui la ronge, on voudrait qu'elle ouvre les yeux sur cet infime espoir encore existant, qu'elle se batte. Encore un peu.
Je devine que la fin est ouverte. Mais elle me laisse frustré, sans doute parce que personnellement je peux pas demeurer dans l'incertitude. Y a-t-il de l'espoir? J'ai besoin de réponses. 
Je sais que c'est un livre coup de cœur. Littéralement. Il a fait palpiter le mien à de nombreuses reprises. Camille m'a tellement parlé parce qu'elle ressentait.
Lorsqu'on le referme "La nuit devient jour" résonne encore longtemps. Je ne serais probablement pas capable de le relire un jour. Je suis tenté de le caché au fond de ma bibliothéque comme s'il n'avais jamais existé comme si la douleur n'avait pas été réelle, comme Camille ferait. Fuir. Mais c'est un roman trop important pour qu'on l'oublie. J'imagine la volonté qu'il a fallu à Sophie Jomain pour achever une telle œuvre.
Merci. Merci du fond du cœur.




« Je me concentre sur le grand chêne qui se dresse au bout du sentier et tâche de revenir à des considérations plus terre à terre. Je suis ici depuis quinze jours et je prends conscience que pour la première fois de ma vie, j'ai noué avec quelqu'un d'autre que mes parents des liens fondés sur la sincérité et la confiance. Le Dr Peeters est un homme bien, et même si je suis prise au dépourvu par l’intérêt que je lui porte, je ne doute pas de lui un seul instant. Il me conduira jusqu'au bout du voyage.
C'est certain. »

«
Camille... Je ne connais pas ta souffrance ni ce qui te ronge et te brûle au point de vouloir en finir, mais ne laisse jamais personne décider à ta place. Jamais. Même pas par amour. »
 

Intérêts: Absolument tout.
Regret: Ma propre incertitude.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire